Haïti : « Construire un pays de libertés! »

En ce temps de pandémie, la vie devient difficile pour tous. Plus encore dans un pays comme Haïti qui est aussi touché par des désastres naturels, la corruption à tous les niveaux, la répression et l’intimidation, la violence délictuelle et la pauvreté généralisée. La population ne sait plus comment affronter sa réalité quotidienne.

Contexte général

Haïti est connu pour son histoire de luttes : contre l’esclavage, contre les gouvernements corrompus et les dictatures sanglantes, comme la tristement célèbre dictature de «Papa Doc».  Et comme si cela ne suffisait pas, Haïti figure parmi les pays les plus touchés par les catastrophes naturelles. Ouragans et séismes y font à chaque fois de nombreuses victimes, impactant également la situation générale.

Bilan à l’heure actuelle : plusieurs études estiment que 69% de la population totale vit dans la pauvreté. L’accès à la santé, à l’éducation, au logement, aux transports est quasi inexistant, ce qui plonge la population dans le désespoir et favorise l’explosion de la délinquance et de la violence. Figurant à la 169ème place du classement mondial de développement humain établi par le PNUD, il s’agit du pays le plus pauvre du continent américain. L’éclosion de l’épidémie de Covid-19 dans ce contexte est donc particulièrement inquiétante.

En quoi consiste le soutien de Frères des Hommes ?

Partenaire de Frères des Hommes, le Mouvement Paysan Papaye (MPP) a été créé en 1973, sous la dictature de Jean-Claude Duvalier pour défendre les paysans pauvres d’Haïti. Convaincu de la nécessité d’apporter une solution globale à cette population aujourd’hui fatiguée et très vulnérable, le MPP œuvre dans divers domaines en rassemblant paysans et travailleurs.

Grâce au projet et à l’accompagnement dont les paysans bénéficient, ces derniers mettent en place des activités économiques ayant trait à la production, la transformation et/ou la commercialisation de leurs produits agroécologiques. Ils deviennent ainsi des acteurs socio-économiques de leur région, tout en veillant à protéger l’environnement.

Leur objectif est de pouvoir nourrir correctement leur famille et de contribuer à créer une économie locale, saine, éloignée de la corruption. Ce n’est donc pas uniquement pour eux qu’ils travaillent ainsi. C’est aussi pour donner de l’espoir au pays et à sa population qui, malgré tout, reste fière et créative.

Les bénéficiaires directs du projet sont les paysans membres du MPP des communes de Hinche et Mirebalais, organisés en 40 regroupements de 600 personnes. Indirectement, 3.250 membres des familles bénéficient également de l’action ainsi que l’ensemble de la population des 2 communes ciblées qui ont accès à de meilleurs produits agricoles locaux dans de meilleures conditions.

Ce qu’en disent les bénéficiaires du projet

En cette période de crise sanitaire, Sarah, une proche de Frères des Hommes, a choisi de rester aux côtés des paysans et des paysannes du MPP au lieu de rentrer en Europe. Elle a recueilli les témoignages de certains d’entre eux.

Olma est un paysan agroécologiste et animateur populaire formé par le MPP qui vit à Sarazin, dans la commune de Mirebalais. « J’ai participé à plusieurs formations du MPP et aujourd’hui je suis le paysan de référence pour notre groupe. Nos membres se forment ensemble à des pratiques d’agroécologie et développent des relations d’entraide. En Haïti, on pratiquait traditionnellement le travail collectif ou Kombit. Nous l’encourageons car la précarité rurale rend le travail agricole difficile et cette collaboration nous aide beaucoup. »

Jean-Claude (55 ans et ses 4 enfants) et Eli (44 ans et ses 4 enfants) sont au labour : « Nous sommes cultivateurs et c’est avec ce métier que nous nous débrouillons pour nourrir notre famille, payer les frais de scolarité, subvenir à tout nos besoins! C’est grâce à Olma qui est venu nous parler d’agroécologie et nous proposer de recréer un Kombit que nous allons un peu mieux. En fait, nous devons dire que ce que nous faisons maintenant est vraiment bénéfique. »

Certes, les problèmes ne manquent pas : Olma raconte qu’un autre groupe, Kole zepol, qui travaillait très bien en collectif, a été éjecté de la parcelle qu’il louait alors qu’ils avaient dûment payé les loyers au propriétaire. « Le groupe pouvait avoir la justice de son côté mais comme le pays est dans une crise totale, le parquet est en grève et la procédure est bloquée. C’est très dommage car le groupe fonctionnait très bien ! »

Dans ce contexte difficile, la solidarité paysanne reste donc essentielle. « Au sein du mouvement, nous travaillons pour donner de l’espoir et stimuler l’entraide entre paysans, conclut Olma.»